L’accès aux médias et à l’information a transformé les actes d’achat des consommateurs. Comprendre les mécanismes de décisions d’achat devient important. Et ne pas le faire rend les commerçants vulnérables face à des concurrents agiles.
Les acheteurs ont dorénavant un parcours d’achat en plusieurs phases. Que ce soit dans la phase d’exploration ou dans celle d’évaluation, les commerces doivent s’assurer qu’ils sont présents à chaque instant, et répondent aux attentes des consommateurs tout au long du processus de prise de décision.
Pas cher ou meilleur
Dorénavant la prise de décision se fait sur Internet. Les tendances de recherche sur Google (ou d’autres moteurs) permettent de voir comment évoluent les milliards de recherches faites chaque jour. Lorsque les consommateurs effectuent une recherche, ils modifient souvent la requête avec un ou plusieurs adjectifs, pour ajouter de la précision à la recherche. Ainsi, en prenant le cas des extensions de recherches telles que pas cher et meilleur, on s’aperçoit que l’intérêt des consommateurs à trouver un article le moins cher est en train d’être remplacé par le désir de trouver le meilleur.
Il est possible que les consommateurs soient arrivés au constat que les produits moins onéreux étaient de moins bonne qualité, et qu’il fallait les renouveler plus souvent. Pour autant, il convient de rester prudent sur l’interprétation. Pas cher de même que Meilleur sont subjectifs et émotionnels. La valeur précise de pas cher peut varier d’un individu à l’autre et meilleur peut couvrir un large éventail de significations, étant applicable à la valeur, la qualité, la performance, la popularité, et plus encore.
Pour autant, les tendances de recherches sont des indices intéressants sur la façon dont le comportement des consommateurs et la prise de décision ont pu changé avec Internet. Un outil qui facilite la comparaison de tout.
Comportement et consommation
Entre la décision d’achat et l’achat en lui-même, il existe de nombreuses étapes intermédiaires. Les premiers points dans le comportement du consommateurs est de se renseigner auprès de son entourage et/ou sur différents sites internets traitant du sujet (ou vendant le produit) ; Puis, suite à des études sur le comportement, des spécialistes en retail ont identifié des boucles de rétro-actions : Identification du besoin ; prise de renseignement ; comparaison entre produits ; évolution du besoin ; analyse d’autres produits similaires ; etc. ; achat. Un parcours d’achat qui pourrait se traduire par la figure ci-dessous.
L’achat raisonné n’existe pas
Dans le cadre des décisions d’achat, on pourrait être tenté de considérer que le degré de rationalité augmente avec la taille et l’importance de l’achat. Pourtant l’achat d’une voiture onéreuse, d’une maison ou de vacances à l’autre bout de la planète, sont des moments chargés d’émotions complexes. Le processus d’achat n’est pas un acte purement rationnel. Les marques l’ont bien compris. Elles cherchent à cultiver un lien émotionnel avec les consommateurs. Et les publicitaires sont passés de campagnes comparatives la lessive X lave mieux que la lessive Y, à des approches émotionnelles dans laquelle la qualité du produit n’est plus questionnée. Des enjeux supérieurs sont apparus : la lessive Z prend soin de notre planète. Bref le choix des consommateurs comprend de la raison et surtout de l’émotion.
Ce qui conduit à des comportements d’achat biaisés.
Des biais de consommation
Il existe plusieurs catégories qui conduisent à l’achat. Ils peuvent s’apparenter à des biais cognitifs qui facilitent le processus de décision du consommateur. En voici 6 grands ensembles.
- Les heuristiques de jugement (source : Herbert Simon 1955) aident les consommateurs à prendre une décision rapide et satisfaisante dans une catégorie donnée. Par exemple, le nombre de mégapixels d’un appareil photo lors de l’achat d’un smartphone ou le nombre de gigaoctets de données inclus dans un contrat de téléphonie mobile.
- Le biais d’autorité (source : Stanley Milgram 1963) décrit la tendance à modifier ou à adapter les opinions ou les comportements pour qu’ils correspondent à ceux de quelqu’un considéré comme une autorité, un expert sur un sujet. Il s’agit de la tendance à suivre l’exemple de personnes identifiées comme mieux informées.
- La preuve sociale (source : Robert Cialdini 1945) décrit la tendance à copier le comportement et les actions d’autres personnes dans des situations d’ambiguïté ou d’incertitude. Avec Internet les gens peuvent se fier beaucoup plus facilement à la preuve sociale comme raccourci pour la prise de décision d’achat (les avis des consommateurs, les notes quatre ou cinq étoiles en choix populaire).
- L’achat immédiat (source : Richard Strotz 1955) décrit le fait que les consommateurs ont tendance à vouloir les choses maintenant plutôt que plus tard. Le concept de Vivre dans le présent serait lié à l’évolution de l’humanité ; La capacité à faire face aux problèmes dans l’immédiateté serait plus facile que de planifier l’avenir. Cela explique ainsi le succès des téléchargements instantanés ou de la livraison en 24 heures par rapport au fait d’attendre pour obtenir un produit.
- La notion de rareté (source : Robert Cialdini 1945) repose sur le principe selon lequel des ressources rares ou limitées sont plus souhaitables. Les ventes limitées dans le temps avec une disponibilité produit non continue, incitent les consommateurs à agir vite avant la fin du temps imparti. Les quantités limitées (séries spéciales) sont perçues par les gens comme une menace à leur liberté de choix, et déclenchent un acte d’achat pour lutter contre la menace et maintenir leur accès à la ressource.
- Le pouvoir du gratuit (source : Dan Ariely 2008) décrit le fait qu’il y a quelque chose de spécial dans un produit gratuit. La demande d’un produit ou d’un service gratuit est plus élevée à un autre, même lorsque l’avantage client est supérieur. Dans une étude menée par Dan Ariely, les gens avaient la possibilité de choisir entre deux offres : une carte-cadeau gratuite d’une valeur de 10 $, ou une carte-cadeau de 20 $ achetée 7 $ ; la majorité a choisi la carte-cadeau de 10 $, alors que l’autre option offrait une valeur supérieure (13$ contre 10$).
Cette liste non exhaustive permet de comprendre à quel point le parcours d’achat n’est pas un processus linéaire et rationnel.
Le pouvoir du choix ou la peur
L’expérience achat du consommateur est étroitement liée à la possibilité du choix. Rares sont les produits remplissant toutes les caractéristiques recherchées par le client. Et la capacité de l’individu à percevoir le choix est un élément de réassurance dans l’acte d’achat. Des études ont ainsi montré que le simple fait de donner à l’acheteur la possibilité de choisir entre deux marques, permettait d’augmenter les ventes cumulées des deux produits, de 30%.
A l’opposé les commerçants doivent savoir limiter ce choix, sous peine de voir surgir le paradoxe du choix (source : Barry Schwartz 2006). Un phénomène selon lequel le choix est une source d’angoisse néfaste qui lorsque les consommateurs y sont confrontés, les conduit à ne rien faire. La peur de faire le mauvais choix. Il en résulte alors une diminution des ventes.
La preuve sociale comme accélérateur de vente
Donner aux gens la preuve que d’autres acheteurs ont déjà eu une expérience positive avec une marque, un produit ou un service est extrêmement convaincant. La preuve sociale, au travers de critiques, de commentaires, ou exprimée sous forme d’étoiles sur certains sites marchands, repose sur le partage de l’expérience des clients après l’achat. Ce phénomène peut même parfois conduire à des résultats contre-intuitifs : les consommateurs sont prêts à payer plus cher pour un produit quand ils ont été exposés à une preuve sociale positive (source : OpinionWay 2019 Les échos).
C’est avec ce biais psychologique que les influenceurs (blogueurs, Instagram, youtube, twitter…) vendent des articles auprès de leur communauté sur laquelle ils exercent une forte attraction. En tant que leaders d’opinion (experts, créateurs de tendances) dans une catégorie (mode, sport, business…), ils amènent leurs followers à acheter impulsivement. Un des exemples surprenant s’est déroulé début 2021 avec Maddy Sheidler, (influenceuse instagram sous le pseudonyme Maddyburciaga). Dans une de ces vidéos, elle promouvait de faux livres à la vente, à un prix supérieur aux prix normal du marché. Au delà des raisons conduisant certains consommateurs à acheter de faux livres, il était intéressant de noter que l’écart de prix était de trois entre ceux proposés sur des sites marchands chinois (exemple AliExpress 3.35€) et celui de l’influenceuse, 10€.
Quelles implications pour les commerces
L’impact de ces éléments doit inciter les commerçants à s’adapter à la nouvelle réalité des consommateurs et identifier les moyens d’y faire face. Les magasins établies de longue date dans les centres villes ou les galeries marchandes ne sont pas à l’abri d’une diminution de leurs ventes. Comprendre le comportement et l’état d’esprit des consommateurs est désormais un élément essentiel de la protection des parts de marché.
Pour raccourcir ou faciliter le processus de décision des consommateurs, les magasins doivent offrir une excellente expérience utilisateur. Mettre à disposition des informations pertinentes sur le produit, afin que le client potentiel puisse effectuer une transition rapide entre l’évaluation, et l’achat. Les consommateurs cherchent à être rassurés pour étayer leurs décisions d’achat pendant la phase d’évaluation et lors de leur passage à l’achat.
Il en résulte que ces analyses et études sur le comportement d’achat doivent être confrontées à la réalité du terrain. Est-ce qu’en les mettant en pratique, les commerçants constate une plus grande affluence en magasin ? Est-ce le temps moyen passé en magasin augmente ? Est-ce les clients sont des habitués ou de nouveaux clients ? A quel rythme de temps les clients habituels reviennent ?
Autant de situation que les commerces devront mesurer.